L’Aperçu n°13 – Être ZEN avec le ZAN : Limiter l’artificialisation face à des besoins qui ne faiblissent pas

mai 2022
L'Aperçu

Planification et aménagement > Foncier et immobilier
> SCOT / PLU

Être ZEN avec le ZAN :
Limiter l’artificialisation face à
des besoins qui ne faiblissent pas

L'Aperçu de Philippe Vansteenkiste

Directeur général de la Foncière 74

Le principe de sobriété foncière induit un changement de paradigme pour les politiques d’aménagement du territoire. Le temps du foncier à foison et à bas coût est révolu et cela modifie considérablement les stratégies d’urbanisation mises en œuvre par les collectivités.

Il s’agit d’un fait constaté il y a plus de 20 ans par le Préfet de Haute-Savoie. Pour qu’elles gardent un temps d’avance, il conseillait les collectivités territoriales à se doter d’un EPF comme outil de mutualisation des moyens afin d’augmenter la capacité des collectivités à intervenir sur le foncier.

En 2003, l’EPF de Haute-Savoie est créé et connait depuis une croissance soutenue de son développement. Les premières opérations de maîtrise foncière de l’EPF portaient déjà sur des espaces bâtis, souvent à l’état de friches, sur lesquels certaines collectivités concentraient leurs actions. Avant, ces collectivités laissaient les terrains sans contraintes d’urbanisation particulières aux acteurs privés de la construction pour concentrer leurs moyens d’interventions sur les espaces aux enjeux difficilement solubles pour le privé. Dépolluer ou encore maîtriser l’intégralité d’une copropriété, sont des opérations souvent trop risquées pour un opérateur privé. Néanmoins, elles sont situées sur des espaces hautement stratégiques : à l’entrée des villes, dans leurs centres urbains ou encore en zone d’activité économique.

L’action foncière publique n’a pas attendu les récentes réglementations pour appliquer le principe d’une urbanisation portée sur le renouvellement urbain. Depuis 20 ans, l’EPF de Haute-Savoie use d’une approche transversale pour expérimenter de nouvelles manières de produire du foncier disponible, rappelant le principe de la réserve foncière à long terme ou encore l’application de la dissociation foncière entre le terrain et le bien bâti. Ces interventions nécessitent parfois beaucoup de temps et des moyens conséquents.

Aujourd’hui, de nombreux EPCI ont décidé de ne plus vendre le foncier mais de le céder par bail de longue durée. Pour aller encore plus loin, les élus se sont dotés d’un nouvel outil : La Foncière de Haute-Savoie. Il s’agit de faire perdurer les efforts dans le temps et d’être capable d’anticiper le recyclage foncier de demain.

Ainsi, peu de collectivités restent ZEN face aux principes du ZAN. Pour les accompagner dans la mise en œuvre de nouvelles pratiques de production d’emprises foncières prêtes à bâtir, les organismes fonciers publics répondent présents pour anticiper et planifier les disponibilités foncières de demain.

LE DOSSIER THÉMATIQUE

Être ZEN avec le ZAN :
Limiter l’artificialisation face à
des besoins qui ne faiblissent pas

Pilier « aménagement » de la loi Climat et Résilience du 22 août 2021, l’objectif ZAN (Zéro Artificialisation Nette) fixe l’ambition de faire la ville sans artificialiser de sols à horizon 2050, après avoir posé un jalon intermédiaire : réduire de moitié la consommation de sols nus d’ici 2031, par rapport aux dix dernières années.

À terme, il ne sera donc plus permis d’urbaniser des sols naturels, agricoles, boisés ou végétalisés, sans compensation, ni aux franges de la ville, ni au sein de la ville. Il ne s’agit plus simplement de lutter contre l’étalement urbain aux bordures de ville mais d’œuvrer pour la préservation de tous les sols nus. C’est ce qui définit l’artificialisation.

Le ZAN confirme une tendance plus ancienne : à l’origine focalisée sur les espaces remarquables (littoral et montagne), la préservation des espaces non urbains s’est élargie à la lutte contre l’étalement urbain, la consommation d’espaces naturels, agricoles et forestiers (NAF) et les faibles densités (lois SRU, Grenelle et ALUR).

Dès les années 90, à travers la politique de « Ville renouvelée » la métropole lilloise a fait sienne cette trajectoire de sobriété foncière. Cette politique a depuis proposé dans les documents d’urbanisme successifs, de « faire prioritairement la ville sur la ville » pour réduire son extension sur les terres agricoles.

Commune d’Avelin – Propriétés ADULM 2022 © Philippe FRUTIER – Altimage – 2020 Toute publication, reproduction ou utilisation est soumise à une autorisation du photographe et à droits d’auteur.

Restauration de la nature sur l’emplacement des anciennes pistes de l’aéroport de Francfort-Bonames, désaffecté et ouvert à une utilisation ludique © S. Kasten

DES AMBITIONS À RENFORCER

Depuis de nombreuses années, le phénomène d’extension de la ville a fortement marqué l’ensemble du territoire nationale ainsi que le territoire métropolitain. Si 75% de ce dernier était encore agricole en 1971, seul 60% l’est encore aujourd’hui. Le rythme d’extension s’est ralenti ces dernières années. Le SCOT de Lille Métropole, adopté en 2017, exprime des ambitions fortes pour diminuer de moitié la consommation foncière en extension, en passant de 264 hectares par an entre 2001 et 2013 à un rythme moyen de 137 ha/an entre 2015 et 2035.

En ciblant explicitement l’artificialisation, la loi Climat et Résilience globalise la préservation de tous les sols nus au nom de leurs services écosystémiques. Les conséquences de leur artificialisation sont nombreuses : appauvrissement de la biodiversité, diminution des capacités de stockage du CO2 par les sols, contribution aux épisodes d’inondation et de ruissellement, perte de ressources pour l’agriculture, contribution aux effets de l’étalement urbain (trajets domicile-travail, émissions de gaz à effet de serre, dépenses en réseaux et équipements…).

Pour bien comprendre le sens de la loi, l’artificialisation nette correspond à l’artificialisation brute à laquelle sont sous traits toutes les formes de renaturation. Théoriquement, sur une même période, l’ur banisation de 3 ha de terres agricoles concomitante à la renaturation de 1 ha de friches correspondra donc à une artificialisation nette de 2 ha. Autrement dit, à partir de 2050, aucun droit à artificialiser ne sera accordé sans une renaturation de sol équivalente.

LES DISPOSITIFS D’ACCOMPAGNEMENT

Il s’agit d’une mécanique difficilement tenable dans les processus à l’œuvre aujourd’hui, compte tenu des volumes actuels incomparables entre l’artificialisation et la renaturation, trop rare pour peser dans la balance. L’urgence est donc de renverser le modèle d’aménagement extensif pour un modèle durable ancré sur le recyclage urbain, l’optimisation des tissus, l’épanouissement de la nature en ville, la renaturation et la préservation des espaces NAF. Dès à présent, les collectivités doivent identifier les leviers réglementaires, techniques et fiscaux les plus pertinents pour s’engager dans la perspective ZAN.

Plusieurs dispositifs d’accompagnement sont mis en avant par l’État :

  • le fonds « friches » destiné aux projets déficitaires de recyclage de sites industriels ;
  • l’aide à la relance de la construction durable accompagnant les projets plus denses ;
  • la mobilisation du foncier public pour la production de logements et indirectement les dispositifs de soutien à la construction neuve et plus sobre (PINEL, PTZ…).

Néanmoins, une telle loi requerrait en parallèle une refonte des dispositifs fiscaux pour les faire converger plus efficacement au service du ZAN.

« ÉVITER-RÉDUIRE-COMPENSER »

Seule certitude : le meilleur « allié » du ZAN est la séquence réglementaire « Éviter-Réduire-Compenser ». Cela veut dire : développer drastiquement les techniques de renaturation, identifier avec acuité les gisements fonciers en renouvellement (friches urbaines, secteurs mal utilisés, résidus atypiques) pour compenser l’extension abandonnée, améliorer les savoir-faire architecturaux de réhabilitation et de densification, inventer des montages assurant l’équilibre économique des nouvelles techniques de recyclage urbain… le tout dans un cadre global structuré par une solide stratégie foncière mise en œuvre à large échelle.

Ce nouveau modèle d’aménagement pose aussi la question de son acceptation sociale, car si la réhabilitation des friches est facilitée, la densification inquiète si elle ne s’accompagne pas de véritables compensations (espaces de respiration généreux, qualité des services et des espaces publics…).

La mise en œuvre du ZAN sera différenciée et territorialisée au travers des Schémas régionaux d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires (SRADDET) qui devront fixer une trajectoire régionale vers le ZAN et un objectif de réduction du rythme d’artificialisation territorialisé par tranche de dix ans.

Après une consultation publique tenue en mars 2022, deux décrets d’application du ZAN sur les trois décrets en projet ont été publiés au JO le 30 avril dernier.

Mots clés : Zéro Artificialisation Nette – Artificialisation des sols – Renouvellement urbain – ZAN

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