L’Aperçu n°28 – La transition énergétique : les enjeux pour la métropole lilloise

octobre 2023
L'Aperçu

Bien-être et vivre ensemble > Environnement

La transition énergétique : les enjeux pour la métropole lilloise

L'Aperçu de Didier Cousin

Directeur territorial Hauts-de-France GRDF
Vice-Président de la CCI Région Hauts-de-France en charge de Rev3

COUSIN-DIDIER-GL®BG-ELUS-CCI-2021_2

À l’heure des transitions (économique, énergétique, écologique, digitale, RH…), l’enjeu de la décarbonation est le sujet numéro 1 pour le développement des territoires.

Il y a 10 ans, notre territoire régional s’engageait dans la 3ème Révolution Industrielle (Rev3) à travers son masterplan coconstruit avec l’ensemble des acteurs publics/privés et ses ambitions en matière de production d’énergies renouvelables, de stockage d’énergie, de mobilités et de construction durable. Nos avancées en matière d’économie circulaire et d’économie de la fonctionnalité représentaient également un atout différenciant pour notre région.

Aujourd’hui, il faut garder ce « coup d’avance » et continuer d’être attractif.

Nous réussirons ce modèle économique décarboné, en embarquant toutes les entreprises, y compris les TPE et PME pour qui les contraintes de mise en œuvre, notamment de temps, d’ordre financier, de besoins en compétences, pèsent davantage.

Nous réussirons également par la coopération entre les institutions, les entreprises et les collectivités. À l’image de ce qui a été développé avec le CORBI* pour répondre à notre ambition d’être la première région du biométhane injecté, nous développons actuellement de nouveaux réseaux et collectifs dans les domaines de l’électromobilité, du captage du CO2, du développement de l’hydrogène, de la ressource en eau… et bien d’autres.

Enfin, nous réussirons ce pari si nous travaillons pour et avec les citoyens. Il nous faut collectivement favoriser l’appropriation et l’acceptabilité de nos projets, en accentuant par exemple les démarches pédagogiques et d’évaluation des avantages et inconvénients. Nos projets et nos modèles de développement n’en seront que plus durables et résilients.

* Collectif Opérationnel Régional du Biométhane Injecté.

LE DOSSIER THÉMATIQUE

La transition énergétique : les enjeux pour la métropole lilloise

Longtemps alimentée par les exploitations minières des houillères du bassin du Nord et du Pas-de-Calais et leurs quelques 800 puits, la métropole lilloise a dû, à la fermeture de la dernière mine du bassin en 1990, trouver de nouveaux approvisionnements en énergie. À l’heure de l’urgence climatique et de l’enjeu des transitions, il s’agit aussi de les diversifier et au-delà, de développer sur son propre territoire de nouveaux modes de production d’énergie.

Unité de méthanisation de Monchecourt © ADULM

Vers le développement des énergies renouvelables :
de la houille noire à
la houille « verte »

Au milieu du 20ème siècle, le charbon représente plus des trois quarts de l’énergie consommée. Il est principalement utilisé comme combustible pour la fabrication industrielle, pour les transports et pour le chauffage. Les mines de la région ont permis d’extraire et d’utiliser plus de 2 milliards de tonnes de charbon en 270 années d’activité. Or, l’extraction et l’exploitation du charbon en énergie sont génératrices de quantités importantes de gaz à effets de serre (GES).

Même si aujourd’hui émergent des projets cherchant à récupérer le gaz (grisou) coincé à l’intérieur des fosses pour l’exploiter et minimiser la production de GES, les quantités demeurent minimes et le caractère de cette énergie, fossile.

En quelques décennies, les territoires français, dont la métropole lilloise, sont passés d’une consommation d’énergie provenant majoritairement de l’extraction minière à une énergie étant générée au 3/4 par des centrales nucléaires.

Les collectivités sont responsables d’organiser la distribution d’énergie sur leur territoire (électricité, gaz et réseaux de chaleur urbains). À ce titre, la Métropole Européenne de Lille (MEL) est propriétaire des infrastructures des réseaux de distribution d’énergie, dont elle concède l’exploitation à différents gestionnaires. Depuis 2015, avec la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte (TEPCV), les EPCI de plus de 20 000 habitants sont en charge de rédiger et de faire appliquer un Plan climat air énergie territorial (PCAET).

Dans ce cadre, le PCAET de la MEL a fixé comme objectifs pour la période 2021-2026 de :

  • diminuer de 16% la consommation d’énergie du territoire entre 2016 et 2030 ;
  • multiplier par 2,3 la production d’énergie renouvelable et de récupération sur le territoire ;
  • baisser de 45% les émissions territoriales de GES entre 1990 et 2030, puis atteindre la neutralité carbone à horizon 2050.

Unité de méthanisation de Monchecourt © ADULM

Vers l’indépendance énergétique : exemple de la production d’un gaz plus vert

À l’enjeu de développer des énergies renouvelables s’ajoute celui de l’indépendance énergétique, ne serait-ce qu’à un niveau national. Le contexte de crise en 2022 a souligné le besoin de produire une énergie davantage locale. Or, les volumes d’énergie actuellement produits dans la MEL ne permettent pas de couvrir les besoins du territoire métropolitain. Néanmoins, certaines productions d’énergies, ne représentant qu’une très faible part des énergies renouvelables sur le territoire de la MEL, peuvent faire l’objet d’études afin d’en déterminer le potentiel et d’identifier les conditions de développement et de mise en œuvre.

C’est le cas de la production de biogaz, pour laquelle la MEL a été un territoire pionnier en France, avec la construction du premier Centre de valorisation organique (CVO) alimentant les bus métropolitains en biogaz.

Généré par un processus de méthanisation (fermentation de matière organique), le biogaz représente à ce jour moins de 1% de la production d’énergie renouvelable du territoire. Pour autant, la méthanisation apporte plusieurs solutions à divers enjeux multiscalaires :

  • valoriser des biodéchets (déchets alimentaires et déchets verts) et s’inscrire dans un schéma d’économie circulaire ;
  • contribuer aux objectifs de transition énergétique.

Néanmoins, la mise en place de cette solution requiert la création d’infrastructures dédiées (unités de méthanisation et équipements nécessaires au processus) et des réflexions autour de la collecte et du traitement des biodéchets.

C’est pourquoi, dans la suite de ses travaux pour accompagner la politique métropolitaine de gestion des déchets (cf. Aperçu de novembre 2022), l’Agence développe son expertise dans une logique de développement circulaire et d’une vue d’ensemble de la production des déchets jusqu’à leur valorisation.

Dans le cadre d’un partenariat avec GRDF, elle réalise actuellement un travail d’évaluation du gisement de biodéchets sur le territoire métropolitain en vue de leur valorisation, notamment en production d’énergie renouvelable. En s’appuyant sur une méthodologie nationale proposée par l’ADEME, déjà utilisée dans différents territoires et également à travers une cartographie des acteurs de la valorisation des biodéchets, ce travail permettra de mettre en évidence les solutions de leur valorisation et les volumes disponibles et mobilisables pour la production de biogaz via la méthanisation.

Quelle valorisation pour les biodéchets métropolitains ?

Sur le territoire du SCOT de Lille Métropole, on estime à 84 000 tonnes la production de biodéchets potentiellement mobilisables pour une valorisation. Cette production est issue de 5 secteurs d’activités observés : l’agriculture, les industries agroalimentaires (IAA), les ménages, la restauration et les grandes et moyennes surfaces. Les méthodes d’estimations (via l’application de ratios déterminés par l’ADEME) témoignent d’une inégalité du pouvoir méthanogène* des typologies de déchets entre eux. Les 53 000 tonnes de biodéchets issus de la MEL permettraient de produire plus de 71 gWh de biogaz transformable en électricité (processus de cogénération) ou encore injectable dans le réseau de chaleur urbain (processus de combustion). Cependant, il semblerait plus pertinent de réserver certains gisements à d’autres formes de valorisation.

Parmi les secteurs d’activités observés, les huiles alimentaires usagées (HAU) représentent 7% du volume total de biodéchets mobilisables, mais 42% du potentiel énergétique dans le territoire de la MEL. La méthanisation des HAU pour en faire, par exemple, du biocarburant apparaît donc comme la solution de valorisation la plus optimale. À contrario, les déchets des IAA ne représentent que 13% du potentiel énergétique évalué sur le territoire et gagneront à être valorisés autrement que via la méthanisation. C’est d’ailleurs déjà le cas au sein de certaines structures qui utilisent leurs biodéchets pour nourrir leur bétail, par exemple.

Ces premiers résultats montrent qu’à chaque type de biodéchet correspond une forme de valorisation adaptée à sa nature, des spécificités qu’il s’agira de prendre en compte dans le cadre du développement des solutions de collecte, de traitement et de production énergétique.

* quantité de méthane produit par un substrat organique lors de sa biodégradation via le processus de méthanisation.

Retour
Restez informés

Ne manquez rien de notre actualité : publications, nouvelles cartographies, événements, etc.

Abonnez-vous à notre lettre d’informations

Je m’inscris