Professeur à la Faculté de Pharmacie de Lille LGCgE, Laboratoire de sciences végétales et fongiques
La notion de santé-environnement est très ancienne, mais plus que jamais d’actualité. Des crises sanitaires aux épisodes de canicule, de la pollution des milieux aux enjeux de la ressource en eau, notre période est marquée par les différentes dimensions et conséquences des relations entre les perturbations de l’environnement et leurs impacts sanitaires. Plus récemment, la compréhension des multiples facettes de ces enjeux a fait émerger la notion de « one health ». Abattant des cloisons bien artificielles, celle-ci permet d’avoir une vision globale de l’environnement et des interactions entre ses différents compartiments en intégrant l’Homme au sein de l’ensemble de la biosphère.
La connaissance scientifique, la prise de conscience collective (parfois partielle), la traduction en décisions politiques ont été par le passé, désynchronisés et cloisonnés. Cela ne signifie pas qu’il n’y a pas eu d’actions avec, par exemple, la mise en place des plans nationaux santé-environnement (et leurs déclinaisons régionales), l’intégration des enjeux d’adaptation au changement climatique dans les documents d’urbanisme. Ces différentes actions ont d’ores et déjà porté leurs fruits. Pour autant, cette dynamique d’intégration de la dimension santé-environnement doit être poursuivie, renforcée et déclinée jusqu’aux projets d’aménagement à fine échelle. Face aux urgences, l’heure est à l’action concrète pour diminuer les pressions environnementales et leurs conséquences sur notre santé.
Depuis 2019, l’Agence accompagne les politiques publiques autour des enjeux de la santé environnementale.
Les travaux s’insèrent dans la dynamique impulsée par la Métropole Européenne de Lille via la délibération cadre
« Construire une métropole à santé positive » votée en 2018. En partenariat avec l’Université de Lille et le Laboratoire de Génie Civil et géo-Environnement (LGCgE-ULR 4515), l’Agence développe un outil de qualification du territoire du SCOT selon sa vulnérabilité et sa capacité de résilience en matière de santé environnementale. Ces travaux sont réalisés dans le cadre d’une Convention Industrielle de Formation par la Recherche (CIFRE).
L’étude propose une analyse des inégalités environnementales et sociales de santé à l’échelle infra-communale sur le territoire du SCOT de Lille Métropole. Elle fournit ainsi un support décisionnel aux élus et aux décideurs locaux pour prendre en compte les enjeux de santé dans les plans, documents stratégiques et projets d’urbanisme et d’aménagement.
Parc mosaïc © Samuel AMEZ / MEL
Santé-environnement, inégalités environnementales et sociales de santé, de quoi parle-t-on ?
L’Organisation Mondiale de la Santé définit la santé comme « un état de complet bien-être à la fois physique, mental et social qui ne consiste pas seulement en l’absence de maladie ou d’infirmité ». Cette définition holistique reconnait que la santé peut être déterminée par plusieurs facteurs liés à l’environnement. Cela signifie que la santé n’est pas uniquement influencée par des facteurs comportementaux, mais aussi par des aspects liés au contexte social, économique et environnemental dans lequel les individus vivent. Cette prise de conscience a conduit à l’émergence du concept de santé-environnement. Lors de la conférence de l’OMS de Francfort en 1989, la santé-environnement a été définie comme l’ensemble des aspects de la santé humaine et des maladies qui sont influencés par l’environnement. Il est important de noter que les liens entre santé et environnement ne sont pas uniformément répartis dans la société. Les inégalités environnementales et sociales de santé (IEES) sont des réalités préoccupantes qui affectent certaines populations de manière disproportionnée. Les communautés défavorisées ou marginalisées sont parfois exposées à des environnements dégradés, tels que la pollution de l’air, l’accès limité à des espaces verts ou à une alimentation saine et des conditions de logement insalubres.
D’une approche territoriale à une approche projet
L’étude repose sur l’utilisation d’indices composites spatialisés de vulnérabilité et de résilience pour l’analyse des inégalités environnementales et sociales de santé à l’échelle infra-communale dans le périmètre du SCOT de Lille Métropole. Un indicateur composite est un outil d’évaluation qui combine plusieurs variables individuelles pour fournir une mesure globale d’un concept ou d’une situation.
Le premier objectif de ce projet consiste à caractériser les inégalités environnementales et sociales de santé à l’échelle des Ilots Regroupés pour l’Information Statistique (IRIS), en s’appuyant sur l’armature urbaine du SCOT permettant de distinguer l’agglomération centrale de la couronne métropolitaine. Cette démarche permet d’identifier les zones présentant des disparités en termes de santé environnementale afin de mieux cibler les actions à entreprendre et les politiques publiques.
Pour répondre à cet objectif, l’interprétation conjointe de l’indice de vulnérabilité et de l’indice de résilience permet la classification des IRIS du SCOT selon quatre catégories de territoires :
Cette approche réinterroge la façon dont nous concevons, gérons et évaluons nos villes, en plaçant la santé des citoyens au cœur des préoccupations. Grâce aux indices composites que nous avons construit dans la première approche, nous disposons d’un outil robuste pour évaluer les effets des projets d’aménagement sur les inégalités de santé. Cela signifie que nous ne sommes plus simplement limités à l’examen des impacts individuels, mais que nous pouvons désormais considérer l’image globale des déterminants de santé dans un contexte urbain.
À la suite de cette expérimentation, il a été conclu que bien que la réduction des facteurs de vulnérabilité liés à l’environnement structurel puisse contribuer à améliorer la situation des IRIS des deux projets, il est primordial de prendre en compte d’autres dimensions et politiques pour une approche complète et efficace. L’échelle du projet et son impact global sont également essentiels pour garantir des transformations durables et significatives dans les territoires vulnérables.
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