Directrice de l’Agence Hauts-de-France de la Fondation Abbé Pierre
Les études menées à l’échelle européenne ou nationale font état d’une surexposition des jeunes au mal-logement : sur-représentation de logements très petits, de qualité médiocre, énergivores, taux d’effort excessifs…
De nombreux jeunes, ne pouvant bénéficier de l’appui de leurs proches, ne parviennent pas à accéder durablement à un premier logement, avec pour conséquences des parcours chaotiques parfois marqués par des expériences à la rue.
Ces constats se retrouvent également au sein de la métropole lilloise, dont le marché locatif est très tendu et les ressources des jeunes adultes extrêmement faibles. La crise sanitaire et l’inflation ont accentué la précarité des jeunes, déjà très touchés par la pauvreté et les difficultés de logement. En témoigne l’augmentation inquiétante du recours aux aides alimentaires.
Comment se projeter sereinement dans l’avenir en l’absence de stabilité résidentielle ? Comment construire la société de demain sans donner aux jeunes les garanties minimales pour dessiner leur futur ?
La Fondation Abbé Pierre soutient activement l’accès des jeunes adultes aux droits fondamentaux, notamment à des revenus suffisants dès 18 ans et à un logement digne. Le Logement d’abord est aussi une politique de prévention, dont les jeunes doivent constituer le cœur des préoccupations.
Dans le cadre de la mission d’observation sociale confiée par la MEL et par l’État, l’Agence de développement et d’urbanisme de Lille Métropole a mené une approche sociologique afin d’analyser comment le territoire de la Métropole Européenne de Lille, l’un des plus jeunes de France, répond aux besoins des jeunes rencontrant des difficultés d’accès ou de maintien dans le logement selon les principes du Logement d’abord : l’accès direct à un logement pérenne et un accompagnement défini selon les besoins de la personne.
L’HÉTÉROGENEITÉ DES TRAJECTOIRES : UNE ANALYSE PAR LES RÉCITS DE VIE
Les difficultés d’accès ou de maintien dans le logement concernent diverses catégories de jeunes :
La rencontre de 44 jeunes et de 60 professionnels, permet de mettre en lumière l’hétérogénéité des situations et les facteurs de vulnérabilité.
Des jeunes hébergés en résidence Habitat Jeunes © URHAJ
DES PROBLÉMATIQUES À LA CROISÉE DES DIFFICULTÉS SOCIALES ET D’INSERTION PROFESSIONNELLE
L’accès des jeunes au logement durable est aujourd’hui fortement retardé par plusieurs facteurs de vulnérabilité : ressources instables et discontinues, non solvabilisation, isolement social et familial, problématiques de santé et d’addictions.
Faute d’aide économique publique pérenne, les relations familiales jouent un rôle essentiel dans les trajectoires résidentielles des jeunes. La majorité des jeunes rencontrés ne peuvent compter sur le soutien familial, financier ou affectif.
Ces difficultés sont à l’origine du développement de situations de mal-logement chez un nombre important de jeunes (logements insalubres, hébergement précaire, vie à la rue). Ces situations impactent le bien-être physique et psychique des jeunes, leurs parcours scolaires, professionnels, familiaux et sociaux.
Un jeune et une travailleuse sociale à l’accueil de jour
« Le Point de Repère » © abej SOLIDARITÉ
Accueil de jour « Le Point de Repère » © abej SOLIDARITÉ
UN PARC DE LOGEMENTS INSUFFISANT ET UN MARCHÉ NON ACCESSIBLE AUX JEUNES
Le parc immobilier de la métropole lilloise est sous-dimensionné pour répondre aux besoins spécifiques des jeunes en matière de logement. D’autres solutions existent pour pallier le manque de logements et répondre aux besoins des jeunes via les résidences habitat jeunes ou les logements Crous, mais le nombre de places proposé est insuffisant au regard de la demande.
Les difficultés d’accès et de maintien dans un logement ne se limitent pas au critère de la ressource. Les jeunes font face à des discriminations pour l’accès au logement liés aux critères de solvabilité mais aussi aux représentations collectives de la jeunesse.
LE LOGEMENT DES JEUNES : UNE PRIORITÉ DU PLH3
Dans le cadre de son Programme local de l’habitat (PLH3), la Métropole Européenne de Lille a l’ambition de répondre aux difficultés des jeunes en développant une offre d’habitat dédiée (Crous, Résidence Habitat Jeunes, Résidence Sociale Jeunes) et en accompagnant les parcours résidentiels des habitants vulnérables ou aux besoins spécifiques.
LE DÉVELOPPEMENT DE DISPOSITIFS EN FAVEUR DU LOGEMENT DES JEUNES
De nouvelles actions en faveur de l’accès au logement des jeunes ont été mises en place depuis 2019, dans le cadre du Logement d’abord ainsi que dans le cadre de la Stratégie Pauvreté État-MEL. Le travail réalisé analyse comment 15 de ces dispositifs répondent aux besoins des jeunes selon les principes du Logement d’abord.
Ces dispositifs proposent un accompagnement socio-éducatif d’intensité et de durée variables centré autour de la question du logement avec, comme objectif, l’inclusion sociale globale du jeune. En fonction de la situation résidentielle du jeune, ils proposent un habitat tremplin, solution de logement non durable qui permet de travailler son autonomie.
Le terrain sociologique a mis en lumière l’importance pour les jeunes d’être accompagnés et entourés de personnes ressources sur le long terme pour agir sur la prévention et la réduction du fort isolement social et familial de certains jeunes.
Si les premiers bilans sont prometteurs, la philosophie du Logement d’abord peine encore à se diffuser. Les jeunes sont encore trop souvent évalués sur leur capacité à être autonomes et à savoir habiter un logement.
QUELS ENSEIGNEMENTS EN TIRER POUR LES POLITIQUES ACTUELLES EN MATIÈRE D’OFFRE ET D’ACCOMPAGNEMENT LOGEMENT EN DIRECTION DES JEUNES ?
Le travail réalisé débouche sur plusieurs pistes de réflexion :
Quartier de la Bourgogne à Tourcoing © Anouk Desury / Light Motiv
Mots clés : Logement d’abord – Jeunes – Habitat jeunes – Difficultés de logement – Difficultés sociales
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